Es-tu toujours en vacances, sur la plage, Ã prendre des photos de tes pieds ? Ou en train de chiller chez toi OKLM ?
Es-tu rentré au boulot et grommèles-tu devant ton ordinateur (ou tout autre artefact qui te sert d’outil de travail) ?
Moi, je suis de retour. Pas pour te jouer un mauvais tour (les personnes cultivées reconnaîtront la subtile référence) mais pour partager avec toi les tombereaux de sagesse que j’ai accumulés pendant l’été. Je suis désormais une nouvelle femme. Pas seulement parce que j’ai décidé de manger moins de sucre après avoir flippé sa race devant un reportage Arte. Ni parce que j’ai fait l’acquisition d’un compost de cuisine. Non, non.
J’ai redécouvert… Tadah… les vertus de la vitesse en écriture. Et à l’heure où je te parle, je suis actuellement lancée à toute vitesse sur la grande autoroute A10 de la création débridée. Tu me trouveras pas loin du péage de Saint-Arnoult. Youhou ! Roulez jeunesse !
Rien ne sert de courir ?
Au tout tout tout début de ma jeune carrière d’auteure, j’écrivais à toute allure. Le premier jet de mon premier roman a été plié en moins de deux mois. C’est bien simple, je m’étais fixée une règle stricte, celle d’écrire 10 000 signes par jour, ce qui correspond grosso-modo à trois pages word en police 12. En moyenne, mes romans comptent entre 300 000 et 400 000 signes. Si t’es pas trop nul en maths, tu feras vite le calcul.
C’était une sensation géniale de voir son travail progresser aussi vite, d’autant que les idées venaient sans trop d’efforts.
Bizarrement, au fil du temps, j’ai changé d’approche. Comme je conjugue plusieurs activités professionnelles, j’ai eu moins de temps pour écrire, et dans le cadre de mon précédent projet, j’ai commencé à morceler le travail. Un p’tit bout par-ci, un p’tit bout par-là . D’autant que, va savoir pourquoi, j’ai été soudain touchée par une perfectionnite aigüe. Je m’étais mise en tête qu’il fallait que chaque chapitre soit parfait avant de passer au suivant.
Maintenant, avec le recul, je peux te le dire. Bosser pendant un an par tout petits bouts, en réécrivant trois fois chaque ligne m’a fait l’effet de courir un marathon dans la boue avec des bottes en caoutchouc. Cela s’est même avéré contre-productif. J’ai perdu le fil de mon roman à de nombreuses reprises, ainsi que la foi que j’avais en lui. Je suis aujourd’hui l’auteure d’un magnifique tas de feuilles dactylographiées, probablement destinées à pourrir pour toujours dans un tiroir. Trop naze tavu !
Fast and Furious
L’extraordinaire blog de l’auteur Chuck Wendig, terribleminds (en anglais), fourmille de suggestions géniales pour les auteurs de fiction. Et pourtant, dans un billet glorieusement intitulé « Writing advice is bullshit » (ce que je traduirais librement par « les conseils d’écritures c’est de la merde »), il admet avec humilité que toutes ses conseils sont loin d’être universellement vrais, de s’appliquer à tous les auteurs, et dans tous les cas. Selon lui, il n’existe en réalité qu’un seul conseil d’écriture valable, qu’il résume ainsi, dans un langage fort fleuri :
« Écris autant que tu peux, le plus vite que tu le peux. Finis ta merde. Tiens tes putains de délais. Essaye très fort de ne pas te chier. Et c’est tout. Point à la ligne. Tout le reste n’est qu’une opinion.  »
Le bon Chuck n’est pas le seul à prôner l’écriture « fast and furious ». De mémoire, le grand Stephen King lui-même ne passe pas plus de trois mois sur le premier jet de ses romans. Je sais qu’à première vue, cela peut sembler un peu contre-intuitif, et qu’il est tentant d’opposer à cela le fameux argument de la qualité. A écrire à toute vitesse, ne risque-t-on pas de se retrouver en bout de course avec un roman complètement nullach’ sur les bras ?
Vitesse contre qualité ? Nope. Nope.
C’est une interrogation légitime, mais je pense qu’elle peut-être balayée par quatre arguments :
1/Il ne s’agit pas de confondre vitesse et précipitation, et de rédiger 300 pages en roue libre sans se donner le temps de manger, de dormir et de respirer. L’idée est plutôt la suivante : « le plus vite que tu peux, le MIEUX que tu peux ». Cela implique donc de réfléchir un peu à son intrigue, aux rebondissements et aux personnages. Sans compter qu’il ne s’agit pas non plus d’imposer un rythme égal à chacun. Vite, ça peut vouloir dire 15 jours comme quatre mois. L’important est surtout de se fixer une cadence que l’on se sent capable de tenir sur plusieurs semaines, et de dégager suffisamment de temps pour s’y tenir sans faillir.
2/L’une des vertus d’une écriture rapide, c’est qu’elle permet de garder votre cervelle en éveil. D’expérience, quand je laisse passer quelques jours entre deux séances d’écriture, il m’est toujours difficile de me remettre dans le bain. J’oublie qui sont mes personnages et où je voulais en venir. Me remettre dans le flot réclame toujours un peu de temps, ce qui constitue une perte inutile d’énergie qui parasite mon imagination. Et bloque momentanément toutes les bonnes idées que j’aurais pu avoir si je n’avais pas perdu le fil. D’ailleurs, les passages que j’écris dans ces moments-là sont toujours un peu plats, et nécessitent ensuite plus de réécriture.
3/Tiens, puisqu’on parle de réécriture, voici mon troisième argument. Il va de soi que ce roman que tu auras écris en trois semaines n’est PAS la version définitive de ton grand Å“uvre. Après avoir fini le premier jet, tu vas repasser derrière. Enlever cette phrase complètement neuneu qui craint à mort. Cet adjectif éculé. Rajouter un peu de mystère par-ci, enlever un peu de blabla par-là . Tu décides en cours de route de donner de l’importance à tel ou tel personnage dont tu n’as presque pas fait mention dans la première moitié du roman ? Pas grave ! Tu lui rajouteras des scènes à posteriori ! Écrire un roman, c’est comme construire un édifice : tu peux enlever des briques ou en rajouter, l’important, c’est qu’il continue de tenir debout. Comme le dit l’écrivaine Maureen Johnson, (j’ai pas retrouvé la vidéo où elle en parle alors tu dois me croire sur parole) : la première version est TOUJOURS pourrie. TOUJOURS. La réécriture est la pour dé-pourrifier tout ça, et tu ne peux réécrire efficacement qu’en ayant une vue d’ensemble de ton roman en ENTIER.
4/Je ne vanterais jamais assez les mérites de la spontanéité. C’est bien de réfléchir à fond à ce qu’on va raconter pour que ce soit le plus juste/profond/prenant/mystérieux/ce-que-tu-veux possible. Il n’empêche que les bonnes idées viennent souvent quand on laisse son cerveau travailler tout seul. Malheureusement, ces « fulgurances » ne se produisent pas lorsqu’on le décide. Tous ceux qui se sont déjà assis devant une feuille blanche en attendant que le souffle divin de l’inspiration vienne les frapper peuvent en attester. En revanche, aider son imagination à fonctionner, c’est possible. Le maître mot, c’est de se mettre en condition, dans une sorte de semi état second. J’avoue que pour cela, je n’ai jamais rien trouvé de mieux que d’écrire. L’écriture appelle l’écriture. Les idées appellent les idées.
C’est tout pour cette ode à la vitesse. J’ai conscience d’avoir asséné tout cela sur un ton assez définitif, avec l’envie de casser ce que je considère comme une idée reçue (à savoir que la seule méthode pour un grrrrrand écrivain serait de peser chaque mot comme une once d’or pur). Mais peut-être n’es-tu pas d’accord avec moi. Peut-être que la rapidité ne fonctionne pas pour toi. Je serais curieuse de connaître l’avis de ceux à qui la lenteur réussit.
Après tout, comme dit l’autre, « les conseils d’écriture, c’est de la merde ». Même les miens.
Besos !
PS : tu trouveras d’autres ruses d’autrice ici, ici, et ici.
Merci Aurélie pour ce retour aux bases. Rajouter quelques chiffres simples aux lettres permet de remettre les pendules à l’heure et de ne pas se donner de fausses excuses pour procratisner…À vos marques, prêts? Partez! …. et le vent de l’inspiration finira par souffler sur vous
Merci à vous Myriam ! Puisse-t-il souffler dans votre direction également ^^ !
Je partage et cela me fait penser à « Sur la route » de Jack Kerouac, écrit à toute vitesse sur une vieille machine comme celle de la photo (enfin, elle était peut-être pas trop vieille à l’époque) : « Ce livre a été écrit d’un seul jet, en trois semaines (du 2 au 22 avril 1951), sur un rouleau de papier de 120 pieds (36,50 mètres) de long, dans de longues sessions de prose spontanée et enfiévrée  » (Wiki m’a dit).
Le truc que j’aurais aimé écrire, mais c’est déjà fait !
Bon, il paraît aussi qu’il a dû corriger pendant 6 ans pour être accepté par un éditeur !
Merci Christian ^^ En effet, on peut écrire vite… mais pour faire quelque-chose de valable, il n’y a pas de raccourcis (si seulement !!!). J’avoue que la réécriture n’est pas la partie que je préfère, et je suis loin d’être la seule… mais force est de constater que ça fait tout de même une différence de taille à la fin (sans parler de la 2ème salve de corrections, puis de la 3ème… voire de la 12ème)
Belle journée et bonne écriture efficace 😉
Aurélie