Le 27/11, les Zombies se produisaient à La Maroquinerie, dans le 20ème à Paris.
Les Zombies, c’est l’un des groupes dont j’ai cité l’une des chansons dans La légende de Lee-Roy Gordon… et le seul toujours en activité, avec deux des membres d’origine : le chanteur Colin Blunstone et Rod Argent aux claviers, également auteur-compositeur d’une bonne partie des chansons.
Ces deux-là ont 70 berges, et plus de 50 ans de carrière derrière-eux (ils ont commencé en 61). Vous connaissez probablement l’un de leur hits, She’s not there, soit à cause de la reprise par Santana en 1977, soit à cause de la pub pour le parfum Coco Mademoiselle avec Keira Knightley en 2014. Démonstration en images :
Je la fais courte: Les cinq larrons en foire gagnent un genre de tremplin en 63, ce qui leur permet d’enregistrer chez Decca, l’une des deux-trois grosses maisons de disques anglaises de l’époque, et de sortir un single (She’s not there, justement), qui devient number one aux US. Puis d’autres qui cartonnent. Après, ils marchent un peu moins bien, et finissent par se séparer en 68, non sans avoir pondu l’un de mes albums préférés: Odessey and Oracle. Qui ne marchera pas à sa sorte, mais reste aujourd’hui leur plus culte. (Enfin si, il finira par avoir un succès avec le single Time of the season, mais bon, à ce moment-là , ils seront déjà séparés)
C’est souvent comme ça le rock. Le premier album du Velvet Underground s’est vendu a 1000 copies. Et Joy Division, du temps où son leader, Ian Curtis était encore vivant, c’était quand même plutôt confidentiel.
Après 68, certains se lancent dans un autre groupe (Argent, qui marche bien), des carrières solo (Colin Blunstone. Ça marche bien pour lui aussi), avant de se reformer de temps à autre à partir des années 90 (avec certains membres du groupe original qui manquent ou non à l’appel, selon les moments).
Odessey and Oracle
Alors Odessey and Oracle, c’est juste une petite perle magique. La simplicité et l’élaboration en même temps. Un ton doux, presque gai, pour raconter, en creux, des histoires d’une tristesse insondable : Une personne écrit à celui/celle qu’elle aime pour lui dire qu’elle est heureuse qu’il/elle sorte bientôt de prison (Care of cell 44). Une vieille dame qui regarde les amoureux piquer les roses de son jardin, tout en sachant que personne ne l’aime assez pour lui en offrir une (A rose for Emily). Un jeune homme qui espère que son ancienne petite amie reviendra vers lui quand elle se sera faite larguer par son mec (Maybe after he’s gone). Même les chansons d’amour « positives » (I want her she wants me ou This will be our year) laissent deviner des épreuves et des souffrances antérieures.
« Emily, can’t you see
There’s nothing you can do ?
There’s loving everywhere
But none for you… »
« Emily, ne vois-tu pas
qu’il n’y a rien que tu puisses faire ?
Il y a de l’amour partout
mais il n’y en a pas pour toi… »
(A rose for Emily, AKA la chanson qui te donne envie de te jeter d’un pont)
C’est sans flonflons, c’est direct, c’est élégant et ça n’en fait pas des caisses. Et surtout, Colin Blunstone a la voix la plus agréable à écouter du monde. Bien-sûr, j’aime bien les gens qui braillent, Courtney Love et Patti Smith sont mes idoles… Mais pour ce mettre dans un bon mood, les Zombies sont les meilleurs. Allez, une autre pour la route :
Ah que c’est bôôôô (envie de se rouler par terre de béatitude).
Et aujourd’hui ?
C’est toujours un peu un pari, d’aller voir un vieux groupe. Le temps pave le chemin des rockers de dangereux pièges : réduction à l’état d’épave via la prise de substances, la mégalomanie, l’aigreur, mais aussi les synthétiseurs ringards et la voix qui déraille. Je ne citerai personne.
Les Zombies semblent avoirsu résister très honorablement. Colin Blunstone chante toujours très bien, Rod Argent joue toujours merveilleusement de son clavier, les solo tapent. En plus, ils ont la pêche (70 ans, je rappelle), et cerise sur le gâteau, sont méga sympas avec leur public. Ils équilibrent très bien leur ratio nouvelles chansons/vieilles chansons. Ce dernier point est toujours délicat… J’imagine que ce doit être bien soûlant de toujours devoir ressortir des vieux tubes de 50 ans pour faire plaisir au public. Ne soyons pas hypocrites, la majorité de ceux qui étaient présents à la Maroquinerie n’avaient sans doute pas écouté leur dernier album. Pourtant, celui-ci marche très bien aux US, avec une place dans les Charts. Et ma foi, à vue de nez, les nouvelles chansons n’étaient pas désagréables.
Bref, je vous invite à les redécouvrir. Ils sont cools.
Trois semaines après…
En chroniquant un concert, je ne pouvais pas ne pas avoir en tête les évènements du 13 novembre dernier. Thomas Duperron, responsable communication de la Maroquinerie faisait partie des victimes.
Des choses ont été dites, des belles choses, de magnifiques hommages et des énormes bêtises aussi. Comme tous le monde, je pense avec douleur aux victimes, aux blessés, à leurs familles. Je pense à ces gens dont la vie a été chamboulée pour toujours. J’ai écrit un post suite aux tueries du 7 janvier. Je n’en retire pas une virgule, et j’ai peu de choses à y ajouter.
2015, l’année que j’espérais belle, a été une année noire. 2016 arrive dans un mois et la tâche est immense pour chacun d’entre nous : participer à créer un monde meilleur, en agissant à notre échelle et selon nos capacités. Je suis de ceux qui ne croient pas en les effets bénéfiques de guerres dont les motifs sont obscurs, ni en celui des restrictions de liberté au nom de la sécurité. Nous citoyens, agissons avec notre vote, avec notre porte-monnaie, avec notre sourire, avec nos protestations, avec le temps que nous choisissons de consacrer à ceux qui en ont besoin, à une cause. Et surtout, refusons de « ne pas comprendre » même quand le choc est rude. De laisser à d’autre mains, d’autres cerveaux, le soin de tout décider à notre place.
D’aucuns me diront que cela ne suffit pas, les fleurs contre les kalash. Je réponds que ce serait tout de même un net progrès. C’est tout ce que j’avais à en dire. Je renvoie donc à cette tribune d’une personne qui dit tout mieux que moi – Lettre à ma génération : moi je n’irai pas qu’en terrasse, de Sarah Roubato
Et bien-sûr, je vous souhaite une belle fin d’après-midi, et le plus de bonheur possible.
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